La fin du contrôle des chaussures

Hubert Guillaud

Aux Etats-Unis, cela fait plus de vingt ans que la Transportation Security Administration a commencé à contrôler les chaussures des passagers de l’aviation, en leur demandant de les enlever lors du contrôle de sécurité, après qu’un homme ait tenté, sans succès, de faire exploser ses baskets sur un vol à destination de Miami en décembre 2001. Cette politique particulièrement détestée par les voyageurs aura donc tenu plus de 20 ans, s’énerve Ian Bogost dans The Atlantic, rappelant que dès son introduction, elle a été mainte fois dénoncée comme l’exemple même du « théâtre de la sécurité » – terme sous lequel Bruce Schneier dénonçait des mesures de sécurité qui permettent aux gens de se sentir en sécurité, sans qu’elles ne fassent concrètement quelque chose pour les protéger. Pour lui, le contrôle des chaussures permettait de montrer que l’on prenait des mesures, visibles, même si elles n’étaient ni adaptées ni proportionnelles, alors que les mesures de sécurité efficaces, elles, sont bien souvent invisibles et peu démonstratives. 

Adopté au principe d’une prudence excessive, l’obligation de quitter ses chaussures disparaît dans une relative indifférence. En plus de 20 ans pourtant, aucun procédé technique n’est venu améliorer le problème de la détection des chaussures, ironise Bogost. Certains pourtant échappaient à devoir se déchausser. Les voyageurs enregistrés sur les programmes VIP lancés depuis 2013, leur permettant de se préenregistrer et de payer pour éviter ces désagréments (voir, « la biométrie comme fonctionnalité »).

Reste que la fin de cette politique n’a été justifiée par aucune avancée technologique, aucune amélioration du renseignement… « De toute évidence, la règle sur les chaussures n’a pas été abrogée simplement parce que cela semblait logique. Au contraire, ce changement a été opéré parce que la discipline, endurcie par la terreur, du début du millénaire a finalement été totalement remplacée par le nihilisme. De nos jours, vous embarquez dans un avion qui pourrait être en état de voler, ou non, réglementé par une Administration fédérale de l’aviation réduite à peau de chagrin, et dirigé par un système de contrôle aérien miné par la négligence et le mépris ». Ce qui semblait essentiel durant 20 ans au point de contraindre des millions de voyageurs, est devenu, du jour au lendemain, sans raison, quelque chose dont plus personne ne se soucie.