Accords de confidentialité : l’outil de silenciation des effets du numérique

Hubert Guillaud

Dans une tribune pour Tech Policy Press, Nandita Shivakumar et Shikha Silliman Bhattacharjee de l’association de défense des droits Equidem, estiment que les accords de confidentialité sont devenus l’outil qui permet de réduire au silence tous les travailleurs du numérique des abus qu’ils constatent. Or, ces NDA (non-disclosure agreement) ne concernent pas que les cadres, bien au contraire : ils s’appliquent désormais à toute la chaîne de production des systèmes, jusqu’aux travailleurs du clic. Le système tout entier vise à contraindre les travailleurs à se taire. Ils ne concernent plus les accords commerciaux, mais interdisent à tous les travailleurs de parler de leur travail, avec les autres travailleurs, avec leur famille voire avec des thérapeutes. Ils rendent toute enquête sur les conditions de travail très difficile, comme le montre le rapport d’Equidem sur la modération des contenus. Partout, les accords de confidentialité ont créé une culture de la peur et imposé le silence, mais surtout “ils contribuent à maintenir un système de contrôle qui spolie les travailleurs tout en exonérant les entreprises technologiques et leurs propriétaires milliardaires de toute responsabilité”, puisqu’ils les rendent inattaquables pour les préjudices qu’ils causent, empêchent l’examen public des conditions de travail abusives, et entravent la syndicalisation et la négociation collective. Pour les deux militantes, il est temps de restreindre l’application des accords de confidentialité à leur objectif initial, à savoir la protection des données propriétaires, et non à l’interdiction générale de parler des conditions de travail. Le recours aux accords de confidentialité dans le secteur technologique, en particulier dans les pays du Sud, reste largement déréglementé et dangereusement incontrôlé.