Le Doge est mort, pas son esprit !

Hubert Guillaud

Le Doge n’existe plus, expliquent Reuters repris par le Time, le Guardian et Grand Continent. 10 mois après sa création, le programme ne dispose plus de « statut » juridique, explique Scott Kupor, directeur du Bureau de gestion du personnel de l’administration Trump. Le Doge s’est arrêté sans avoir atteint ses immenses promesses de rendre l’administration plus efficace que jamais. 

Mais Wired, qui a plus que d’autres enquêté sur le Doge à l’époque où Musk était à sa tête [voir nos articles “Doge : l’efficacité, vraiment ?”, “Doge : la privatisation des services publics” et “Doge : la fin du cloisonnement des données”] n’est pas d’accord avec ce constat. « Le Doge n’est pas mort », cingle Wired, il s’est « infiltré dans les agences comme une tique ». « L’esprit DOGE – caractérisé par la réduction des contrats et des effectifs de la fonction publique, la consolidation des données entre les agences et l’importation de pratiques du secteur privé – reste pleinement en vigueur. Bien que plusieurs médias aient suggéré que le Doge ait quasiment disparu, ses affiliés sont disséminés au sein du gouvernement fédéral, travaillant comme développeurs, concepteurs et même à la tête d’agences à des postes clés ».

Le Doge s’est transformé. Ses agents se sont installés durablement dans les administrations – ​​et l’influence de la Silicon Valley reste omniprésente dans le fonctionnement des agences. Ces dernières semaines, par exemple, le Service des impôts a soumis des centaines de techniciens à des tests de programmation afin d’évaluer leurs compétences techniques. Selon une source proche du dossier, cette décision émane de Sam Corcos, membre du Doge et directeur des systèmes d’information du Trésor. Corcos souhaite restructurer en profondeur le département informatique de l’IRS, qui compte 8 500 personnes. Cette initiative s’inscrit dans un processus de modernisation plus vaste mené au sein du Trésor américain. Ces tests, administrés via l’outil HackerRank, ont été utilisés par des entreprises technologiques du secteur privé comme Airbnb, LinkedIn et PayPal pour évaluer les compétences techniques des candidats. Ainsi que chez X. La manière dont seront utilisés ces tests n’ont pas été explicités aux employés des impôts. 

D’autres membres du DOGE continuent également de travailler à la réduction des réglementations au sein du gouvernement. Scott Langmack, ancien agent du DOGE au sein du Département du Logement et du Développement Urbain jusqu’en juillet, occupe désormais le poste de directeur exécutif de « l’IA de déréglementation » au Bureau de la Gestion et du Budget. À ce poste, qu’il occupe depuis août, il dirige le développement « d’applications d’IA personnalisées visant à accélérer l’élimination des réglementations excessives qui entravent les entreprises américaines »

D’autres anciens du Doge ont rejoint le Studio national de design (NDS) qui est chargé de repenser les pages web et les services numériques du gouvernement. Depuis sa création, le NDS a produit une poignée de sites web décrivant les efforts de la Maison Blanche sur des sujets tels que la santé, l’immigration et la sécurité publique. Ces sites, qui ressemblent davantage à ceux d’une entreprise technologique qu’à ceux du gouvernement fédéral, proposent des informations sur des programmes comme la Trump Gold Card et des liens pour postuler à des emplois dans les forces de l’ordre, comme la Task Force de l’administration Trump à Washington.

« La vérité est la suivante : le Doge n’a peut-être plus de direction centralisée sous l’égide de l’USDS [qui chapeautait administrativement le Doge]. Cependant, ses principes restent d’actualité : déréglementation ; élimination de la fraude, du gaspillage et des abus ; restructuration de la fonction publique fédérale ; priorité absolue à l’efficacité ; etc. Le DOGE a catalysé ces changements ; les agences, en collaboration avec le bureau de la gestion du personnel des Etats-Unis et le Bureau de la gestion et du budget de la Maison Blanche, les institutionnaliseront », a déclaré le même Scott Kupor, directeur de l’Office of Personnel Management et ancien associé-gérant du fonds de capital-risque Andreessen Horowitz, dans un communiqué publié sur X à la fin du mois dernier. Il y a un mois, passant chez le célèbre podcasteur réactionnaire Joe Rogan, Musk lui-même expliquait que « le Doge est toujours en marche ». Certes, d’autres figures du Doge ont rejoint des entreprises privées, souligne Wired. Mais l’esprit du Doge est toujours là, et il infuse nombre d’administrations, notamment locales, comme nous le soulignions nous-mêmes. Ses actions et son modèle se développent. Et l’annonce du déploiement d’IA génératives partout dans l’administration américaine contribue à renforcer son emprise.