Arbitraire managérial : une lutte à géométrie variable

Hubert Guillaud

Amazon a récemment décidé que tous ses employés devaient revenir au bureau. Elle n’est pas la seule. Derrière ce symbole de l’arbitraire managérial, aucune loi n’exige qu’Amazon fournisse la preuve que le travail à distance nuit à sa productivité. Le législateur est bien timide, défendent les chercheurs Nicola Contouris et Valerio De Stafano, alors qu’il a bien souvent accompagné l’encadrement du télétravail. Le législateur ne remet en cause l’arbitraire managérial que dans les cas de harcèlement, de licenciement déguisé ou de faute grave de la direction, comme si le caractère raisonnable de toutes les autres politiques sur les lieux de travail n’avaient pas à être discutées – et ce alors que mettre fin unilatéralement au télétravail demeure bien souvent un moyen de contourner les obligations légales qui incombent aux entreprises, comme ici, en provoquant des démissions pour s’éviter des licenciements.

L’acteur public devrait avoir à redire des décisions capricieuses des entreprises… Mais à force de les considérer comme des décisions uniquement contractuelles et privées, le législateur oublie qu’il sait aussi parfaitement leur imposer des normes publiques, par exemple la proportionnalité. Si l’acteur public voit des avantages sociétaux au travail à distance (meilleur équilibre vie professionnelle et vie privée, réduction des coûts environnementaux…), pourquoi alors ne l’impose-t-il pas plus fortement ? « Lorsque l’action collective est insuffisante ou que les représentants des travailleurs ne sont pas présents, comme c’est le cas dans un nombre croissant de lieux de travail, les législateurs et les tribunaux doivent faire leur part, en évitant de se cacher derrière le vernis de nature privée qui recouvre l’autorité de l’employeur et en limitant les décisions managériales à des normes plus strictes de raisonnabilité et de proportionnalité ».